Tourisme et communication : comment les destinations s’adaptent aux pics estivaux
L’été est synonyme de voyage, de détente… mais aussi de?tensions croissantes dans les grandes destinations touristiques. Avec la hausse du tourisme international de masse, les pics estivaux atteignent des niveaux inédits, exposant certaines régions à des?risques de sur-fréquentation, de catastrophes naturelles, ou de crises climatiques.
Face à ces défis,?la communication de crise s’impose comme un levier stratégique majeur?pour les villes, les régions et les pays. Informer sans alarmer, anticiper sans freiner l’envie de voyager, responsabiliser sans moraliser…
La pression touristique mondiale : un enjeu croissant
De Venise à Bali, de Kyoto à New York, de Santorin à Barcelone,?les grandes destinations souffrent de leur succès. Loin d’être seulement un problème logistique, le tourisme de masse devient une?source de tensions économiques, sociales et écologiques?:
Des habitants qui fuient leur propre ville, des écosystèmes menacés (coraux, montagnes, forêts), des infrastructures dépassées (transports, eau, déchets), et des urgences climatiques qui rendent certaines régions vulnérables (incendies, inondations, canicules…). Les autorités locales doivent réagir vite et surtout communiquer efficacement pour réguler sans non plus faire fuir et protéger sans culpabiliser.
Venise : la régulation comme stratégie narrative
Venise est sans doute?le symbole absolu du tourisme de masse européen. Avec plus de 20 millions de visiteurs par an pour une ville de moins de 50 000 habitants, la municipalité a adopté en 2024 une?stratégie de communication hybride?: dissuasion douce et storytelling patrimonial. Ce par la mise en place d’un?pass d’accès journalier payant, relayé par des campagnes web et affiches “Choisissez votre moment pour découvrir Venise”. Aussi, par une communication ciblée sur les réseaux en plusieurs langues, avec des cartes de fréquentation et des alternatives hors saison, puis une valorisation de la “Venise cachée” sous forme de réels Instagram réalisés avec des photographes locaux.
Objectif :?rétablir un équilibre?entre flux touristiques et respect du tissu local, sans renoncer à l’attractivité.
Islande : informer pour prévenir les crises naturelles
Avec ses paysages volcaniques spectaculaires,?l’Islande?attire chaque été des milliers de randonneurs. Mais face aux risques sismiques et aux éruptions volcaniques, l’île a développé une?communication de crise ultra-réactive et transparente.
L’office du tourisme, en lien avec les services géologiques, utilise tout d’abord des?SMS multilingues géolocalisés,?envoyés aux visiteurs à proximité de zones à risque, un site web mis à jour en temps réel (“Safe Travel Iceland”) ainsi que des vidéos pédagogiques diffusées dans les aéroports, hôtels et sur TikTok, expliquant les règles de sécurité en pleine nature.
Résultat : des incidents mieux anticipés et un?tourisme plus conscient et informé.
Maroc : entre choc climatique et gestion des flux
En 2024, plusieurs régions du sud du?Maroc?ont été confrontées à des épisodes de chaleur extrême, atteignant parfois?plus de 50°C?en été. Cela a obligé les autorités à adapter leur communication touristique. Il a fallu mettre en places diverses mesures pour prévenir les visiteurs. Les horaires d’ouverture des sites se sont vus modifiés (très tôt le matin ou en soirée), des alertes sanitaires ont été envoyées par WhattsApp (via les guides ou hôtels partenaires), finalement, certaines destinations alternatives dans les montagnes de l’Atlas, plus fraîches, moins fréquentées, avec un slogan : “Un autre Maroc vous attend.” ont été mises en avant.
Thaïlande et Bali : réguler sans dénaturer
L’Asie du Sud-Est est l’une des régions les plus touchées par les effets du surtourisme.
À Bali, par exemple,?les autorités locales ont interdit les selfies sur certains temples sacrés, après des comportements jugés irrespectueux.
Mais au lieu d’opter pour une approche punitive,?la communication s’est voulue pédagogique et collaborative?:
- Campagnes en vidéo avec des influenceurs locaux expliquant les codes culturels,
- Création de “cartes du respect” à distribuer à l’aéroport et dans les hôtels,
- Diffusion sur TikTok de mini-guides “How to behave in Bali” en anglais, japonais et français.
En Thaïlande, certaines plages ont été temporairement fermées pour permettre à la biodiversité de se régénérer. Là aussi, la communication a transformé une contrainte en opportunité : “Respect nature today, enjoy it tomorrow.”
L’intelligence numérique au service de la fluidité
Plusieurs villes et régions misent sur?les données en temps réel et les applications mobiles?pour gérer la fréquentation touristique :
Barcelone?affiche les taux de fréquentation de ses plages en temps réel via un site web dynamique, Tokyo?intègre dans ses apps touristiques des conseils personnalisés en fonction de l’heure, du climat, et de la langue, et Amsterdam?quant à elle, développe des itinéraires "hors-pistes" géolocalisés, avec des notifications incitant à découvrir les quartiers moins visités.
Ce sont des?stratégies de communication préventives, discrètes mais efficaces, qui influencent les comportements sans créer de frustration.
Inclure les habitants dans la communication
Dans de nombreuses destinations, les habitants prennent la parole pour?co-construire le message touristique. À Barcelone, Lisbonne ou Dubrovnik, des collectifs ont produit des vidéos et podcasts appelant à un tourisme plus respectueux, souvent en partenariat avec les autorités.
Ces formats mettent en scène la?voix locale, souvent oubliée dans les brochures touristiques : “Nous ne sommes pas un décor. Nous vivons ici toute l’année.” Ce type de communication crée de?l’adhésion, de l’émotion et surtout de l’impact.
En conclusion : voyager autrement, communiquer autrement
En 2025, la question n’est plus “comment attirer plus de touristes”, mais?“comment mieux accueillir, informer et préserver”. Les destinations qui sauront équilibrer attractivité et responsabilité, grâce à une communication claire, rapide et humaine, seront celles qui inspireront le tourisme de demain.
