Romain ZERBIB, parrain d’esupcom, vous propose une réflexion en matière d’innovation pédagogique

Le « data challenge » : un levier de rapprochement entre la recherche et l’entreprise

La pertinence de la recherche en management est souvent remise en cause. Les travaux des chercheurs, incontestablement rigoureux, se voient en effet souvent reprochés d’être en décalage avec les besoins du marché (Barthélemy, 2012 ; Carton & Mouricou, 2017). Pourtant, la recherche en sciences de gestion – et plus que jamais dans un contexte de transformation digitale – a bel et bien un rôle à jouer pour dynamiser l’innovation des entreprises. Le data challenge semble être une formule efficace qui permet de renouer le lien entre recherche et entreprise en favorisant une coopération fertile.

Qu’est-ce qu’un data challenge ?

Comme les « business game » ou les « serious game », le data challenge est un dispositif de gamification qui utilise les mécanismes du jeu pour atteindre un objectif. Le data challenge est issu des hackathons : ces appels à concours qui – sur une période très courte – rassemblent des programmeurs, des concepteurs d’interface ou des graphistes afin de collaborer sur un projet informatique.

Très pratiqués à l’origine au sein des communautés des logiciels open source, les hackathons sont devenus de véritables leviers d’innovations numériques. La fourniture d’une récompense ou d’un prix a permis, par la suite, de renforcer le sentiment de compétition et d’encourager l’implication des candidats (par exemple le Google Lunar X Prize).

Outre la contrainte de temps (un jour ou un week-end), la plupart des hackathons se caractérisent par la nature du défi et des objectifs à atteindre, par la mise en concurrence des candidats et par le travail en équipe. Toutefois, le succès de ce phénomène vient du fait que les participants peuvent développer leur capacité d’apprentissage, agrandir leur réseau et participer à un évènement festif.

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Présentation du challenge big data de la Toulouse School of Economics (École d’économie de Toulouse).

Mais à la différence des hackathons, le data challenge se focalise sur la résolution d’un problème décisionnel grâce au pilotage par la donnée. L’usage de données massives et/ou ouvertes est essentiel. La période du concours est généralement plus longue. La participation d’un sponsor est souvent la règle. L’ambition est de participer à une recherche ouverte. L’intérêt de ce dispositif est au moins triple.

Une opportunité pour le chercheur

Pour le candidat, il s’agit de participer à un événement qui lui permet d’être repéré, et idéalement récompensé, via un écosystème de référence dans son domaine de compétences (jury, sponsors, donneur(s) d’ordre). Le fait de participer à un data challenge est en effet un moyen efficace de promouvoir son savoir-faire au travers du classement final et de l’exposition médiatique dont bénéficie les vainqueurs.

Soit, un véritable levier de démonstration d’efficacité d’une expertise acquise au fil des années, mais également de l’utilité de celle-ci. Le laboratoire de rattachement du candidat pourra par ailleurs organiser sa stratégie autour de ces événements qui, en plus de la dynamique qu’ils génèrent, peuvent constituer un modèle de financement.

Une opportunité pour l’entreprise

Pour un donneur d’ordre, l’intérêt majeur est de fédérer à moindre coût un ensemble de talents dédiés à la résolution de SA problématique. On aboutit en conséquence à une gestion de la R&D façon plate-forme d’innovation avec, à la clef, un véritable décloisonnement entre les différentes parties prenantes de la recherche.

Le fait de recourir à un data challenge permet, en effet, de s’adresser aux meilleurs talents (tout pays et institution confondus) à défaut de solliciter un acteur en particulier. Et ce, pour un montant équivalent au gain que l’entreprise est prête à accorder aux meilleures propositions. À savoir, un coût généralement négligeable pour la firme au regard de la prestation perçue, mais non moins important pour le vainqueur.

On aboutit en conséquence à une véritable relation gagnant-gagnant. D’autant, que l’entreprise aura in fine accès à un vaste éventail de candidats hiérarchisés en fonction de la pertinence des propositions formulées (qu’elle pourra par ailleurs recontacter).

Mais aussi… pour l’enseignant

Mis à part l’avantage pour le chercheur et l’entreprise, le data-challenge est également un fantastique levier d’animation pédagogique. Il permet en effet, à partir des mécanismes du jeu, de dynamiser et d’articuler la pédagogie autour d’un besoin concret d’entreprise et d’un événement qui s’achève par une évaluation objective, source de retour et d’apprentissage académiques.

Le fait de proposer aux étudiants, lorsque la thématique le permet, de décrocher la victoire est un défi stimulant. L’école ou l’université pourra par ailleurs déplacer le curseur concurrentiel en conviant d’autres institutions au challenge. Et au professeur de déterminer s’il envisage de faire concourir les élèves à titre individuel, en classe entière, en équipe école, inter-écoles… les combinaisons sont infinies.

Quelle que soit la formule choisie, le data challenge apporte la preuve que les connaissances acquises en classe ont non seulement vocation à être opérationnalisées, mais sont de plus vivement attendues par les entreprises pour répondre à leurs problèmes, créant ainsi un continuum fertile entre écoles et marché.

Une éventuelle victoire permettra, enfin, de mettre en avant le candidat et/ou l’institution de formation, au travers d’une communication qui tranche avec le sempiternel discours centré sur les accréditations académiques.

Voilà pourquoi la revue Management & Data Science vient de lancer le « Data Challenge 2018 » qui – cette année – aura pour objet de prévoir l’attribution d’un marché public en fonction de la réputation d’une entreprise.

Notons cependant que le data challenge – s’il constitue un pont entre la recherche et l’entreprise – n’en demeure pas moins un dispositif relativement sophistiqué. Il implique en effet de réunir : un donneur d’ordre, une problématique décisionnelle, une plateforme ergonomique, une communauté d’experts, un algorithme d’évaluation et une organisation dédiée.

Source : The Conversation

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